Le week-end dernier, j'ai conduit une Harley pour la première fois. Oui, une Harley. Pas vraiment une moto, donc, diront certains, mais une "enclume", un "tracteur", une "machine agricole" avec deux roues, j'en passe et des meilleures (railleries qu'on entend souvent au sujet des Harley).
En tout cas, après avoir très certainement visionné (ou pas) la vidéo de notre récent "Dark Hog Moto Tour" (baptisé ainsi en hommage à feu le Dark Dog Moto Tour et à une cochonne rencontrée sur la route...), Harley-Davidson France a eu la gentillesse de me prêter une Fat Bob 2015. Bon, je leur ai quand même fait la demande d'une moto au préalable, hein, il ne faudrait pas croire qu'ils sont venus à moi comme ça...
Depuis quelques jours, je cherchais en effet une Harley pour 1) guider un petit groupe de motards en anciennes et néo-rétros à travers le Morvan 2) ne pas mourir idiot et conduire un custom au moins une fois dans ma vie 3) vérifier si l'on peut vraiment prendre du plaisir à des vitesses légales sur ce type d'engins... Aussi louable soit-elle, cette quête fut immédiatement suivie, notamment sur le mur facebook du groupe MotoVirolo, de commentaires tels que :
- "C'est pour allumer ton BBQ ?",
- "N'oublie pas les fringues de luxe made in Paris, la besace en cuir chic, la barbe bien taillée et les mocassins qui vont bien",
- "Ah oui très important ça! Et surtout pense à t'arrêter souvent (parce qu'au milieu des bois il y a moins de monde pour admirer tes atours)",
- "N'oublie pas le cuir à franges et le t-shirt Johnny Hallyday !!",
- "Euh, tu es sûr que ça va bien ?"
Ou encore, après avoir décroché le prêt et la veille d'aller chercher la moto :
"Dans moins de 24h ta vie va changer. Tu vas découvrir des sensations jusque-là inconnues... Encore plus subversives que tes lectures de jeunesse. Tu vas rejoindre un monde, une nouvelle famille, avec de nouvelles perspectives ! Après le Dark Hog Moto Tour... Te voilà bientôt membre d'un H.O.G...."
Des railleries, je vous dis...
Au risque de me couper à jamais de mes frères motards, je restais néanmoins fidèle à mon plan de découvrir ce qu'il en était vraiment. Et sur les conseils avisés de Harley-Davidson France, je me laissais guider pour cette entrée dans l'univers de la firme de Milwaukee vers apparemment l'une des machines les plus polyvalentes et efficaces de la gamme; la Fat Bob.
Développée sur la base d’un cadre en acier Dyna (le plus léger et le plus maniable de la marque apparemment), la Fat Bob mêlerait en effet garde au sol très convenable, comportement homogène, facilité de prise en main, confort d'un excellent niveau, and, last but not least, un freinage digne de ce nom. Côté esthétique, j'apprends que la Fat Bob rentre dans la catégorie des Bobber, c'est-à-dire et si j'ai bien compris, un custom, mais avec le minimum, au contraire d'un custom classique qui est plus dans le principe de rajouter un tas de bordel dessus et d'en faire un veau, enfin une enclume, enfin on se comprend. Côté moteur, la Fat Bob intègre un bloc Twin Cam 103 (pour 103 pouces/cube, soit 1690 cm3). Ce gros bicylindre refroidi par air est couplé à une boîte six rapports et développe 132 Nm de couple à 3250 tr/mn. Côté mensurations, la moto affiche tout de même 320 kg en ordre de marche et un empattement de 1620 mm... Enfin, haut de gamme oblige, la Fat Bob dispose d’origine de raffinements technologiques "cachés" chers à la marque, à savoir un ABS inclus dans le moyeux de roue arrière et totalement invisible, une "Smart Key" qui grâce à son transpondeur permet de démarrer la moto sans clef de contact, une alarme antivol fonctionnant également par transpondeur, et un ordinateur de bord aussi discret que complet avec commande de défilement des informations au guidon. Bon, voilà pour la présentation. Maintenant, en selle !
Prise en main, ville et autoroute
Hormis des repose-pieds placés bien loin devant et que j'ai évidemment loupés d'emblée malgré mes longues jambes (à ma décharge, je descendais de ma Streetfighter 1098...), cette Fat Bob me surprend dès les premiers mètres : extrêmement facile de prise en main, très bien équilibrée, un vrai vélo ! Mais où sont donc passés les 320 kg annoncés !? J'ai du mal à monter les rapports par contre, la faute à un sélecteur placé trop haut et trop en arrière (ça doit pouvoir se régler), et au niveau de la bande son je suis tout de suite très déçu, les échappements d'origine ne mettent guère en valeur les vocalises du V-twin... La fameuse préparation Stage 1 semble bel et bien indispensable... Un autre truc qui m'a dérangé d'emblée et tout au long de mon essai, ce sont les commandes de clignotants séparées. Difficile en tout cas pour moi d'actionner le clignotant droit tout en laissant ma main sur la poignée d'accélérateur, je ne dois pas avoir le pouce assez long. Sur le trajet bien embouteillé entre Créteil (siège de Harley-Davidson France, ndlr) et le centre de Paris (siège de mon home sweet home, ndlr), et en attendant le départ pour le Morvan prévu le lendemain, j'ai en tout cas trouvé que cette Fat Bob se tirait plutôt bien de l'exercice urbain et "interfilaire". Le levier d'embrayage est très doux, la boîte est onctueuse, engage bien, verrouille bien et n'est pas trop lente. Le twin gorgé de couple et ultra souple permet de reprendre sur le régime du ralenti sur les trois premiers rapports. Contre toute attente vu les mensurations de la bête et son gros pneu avant de 130, le train avant se montre remarquablement docile et précis. Le centre de gravité placé très bas (la selle culmine à 69 cm...) permet une mise sur l’angle très progressive et un équilibre rassurant dans les évolutions à basse vitesse.
Le lendemain, en route vers les belles routes virevoltantes du Morvan, la Fat Bob et son chauffeur du moment se voient infliger une liaison autoroutière d'un peu plus d'une heure vers la sortie 17 de l'A6 en direction de Lyon. L'occasion de constater que Fat Bob est plutôt à l'aise sous la barre des 120-130 km/h. Au-delà, la position pieds en avant et le large guidon rendent l'exercice de liaison rapide assez insupportable. La prise au vent est trop importante. Aux allures légales en revanche, la position "feet first" est étonnamment confortable pour abattre des kilomètres sans fatiguer. D'autant que la selle est très complaisante avec mon séant.
Et dans le sinueux, alors ?
Surprise ! Une fois l'enfer urbain et la morne autoroute derrière moi, Fat Bob révèle des qualités insoupçonnées, à commencer par une garde au sol pas si catastrophique que ça en effet ! Bon, on a quand même vite fait de faire frotter les repose-pieds et le collecteur d'échappements côté droit, mais moi qui pensais rouler pépère tout le week-end, je dois dire que j'ai été surpris pour ne pas dire bluffé par les qualités dynamiques de cette "Fat". Aidée par un châssis très sain, un bon accord de suspension et un train avant rassurant en entrée de virage même un peu musclée, en mode "enroulé dynamique", la moto se montre hyper agile sur les changements d’angle, avec une vraie stabilité au freinage. Le freinage, justement... La puissance et l’attaque du double disque avant de 300 mm n’ont rien de phénoménal, mais avec de la poigne, il est possible d’obtenir des décélérations très correctes au regard des trois quintaux de la bête. Damnède, mais c'est que ça freine, une Harley ! Certes, la fourche, trop souple, crie grâce rapidement, et limitée par sa garde au sol (plus que par ses excellents pneus Dunlop d'origine) la Fat Bob n’est pas prête à aller taquiner une moto plus sportive bien emmenée, mais a contrario, rondement menée, elle me semble tout à fait capable de mettre des corrections à des païlotes de sportives en déficit de technique de pilotage... Du moins un motard en Suzuki ou Honda chaiplukoi croisé sur la belle D121 entre Moux-en-Morvan et Saulieu s'en souviendra...
Super Bob
Au final, cette "badass" de Fat Bob (j'adore son look épuré et agressif, sans trop de chromes) m'a étonné par son côté fun et "sportif". Pour un cruiser, et bien que je n'ai pas d'élément de comparaison puisque c'était donc ma première fois sur ce type de machine, la moto s’en sort franchement bien dans les enchaînements de virages et enroule sans complexe à bon rythme. Il est certes nécessaire d'y mettre un peu du sien physiquement pour y parvenir (qui a dit qu'une Harley se conduisait droit comme un I ?), mais c'est justement ça qui est rigolo... Sur l’angle, il faut garder à l’esprit que l'on est sur une machine avec une garde au sol limitée et des repose-pieds larges... Mais eu égard à son freinage, son moteur et la rigueur de sa partie cycle, cette Fat Bob m'a semblé tout à fait apte à prendre le départ d'un Dark Hog Moto Tour... Qu'on se le dise, et que l'admin me pardonne !
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Texte et photos : Max
Date de l'essai : mai 2015