« Salut Norbert. Tu serais dispo lundi prochain pour essayer la nouvelle RSV4 à Magny-Cours ? Max. »
Franchement, si vous receviez une telle proposition par SMS, vous mettriez combien de temps avant de dire oui ? Je vois vos sourires malicieux se dessiner sur vos lèvres... Eh eh.... Eh bien c'est à peu de chose près la même réaction qui s'est affichée sur mon visage, en légèrement plus expansif !
Après plusieurs jours d'une attente au limite du supportable, me voici donc dans la Nièvre accompagné de quelques crapul....pardon confrères journalistes pour découvrir au sein des journées de roulages de Box 23, le Moto Live Tour d'Aprilia mettant à disposition pour essai toute la gamme routière ainsi que Moto Guzzi (Piaggio Groupe oblige).
Alors que chacun se préoccupe de savoir ou se trouve la café, je suis naturellement attiré vers le box où se trouvent nos belles. Imaginez le spectacle, 5 RSV4RF flambantes neuves et 2 Tuono modèles 2015 en train de ronronner sagement !!! Je bave, je râle, j’exulte, mon cœur bat la chamade, je suis au bords de l'asphyxie, mes mains sont moites et mes pieds trépignent....je veux rouler !!! Mais je me reprends, je prends mon souffle et tout en profitant des explications du technicien d'Aprilia France, je fais le tour du propriétaire. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les Italiens savent faire de belles machines. Esthétiquement, la nouvelle version de cette RSV4 rebaptisée RF, R pour Racing et F pour Factory, évolue par de subtiles touches. Une face avant complètement redessinée qui affirme un peu plus son regard mais reste fidèle aux anciennes versions et quelques millimètres de plus de chaque coté du carénage afin d'obtenir une protection maximale à l'approche des 300 km/h (oui oui...) mais surtout pour permettre aux nouveaux conduits d'alimenter la nouvelle boîte à air. Dans ce coloris « Superpole », la RF ne passera pas inaperçu au feu. La bestiole respire le racing et le fait savoir. Fourche Öhlins, jantes en alu forgé pour gagner en poids (et flatter la rétine), étriers Brembo monobloc radiaux M432, que du lourd !!! Et le meilleur reste à venir.
Ne vous fiez pas à son apparence, le moteur a été complètement revu. Le V4 à 65° a été modifié pour lui permettre de développer 201ch à 13000 trs/min, soit 17 de plus que l'ancienne version. Oui, oui, vous avez bien lu. 17 bourrins supplémentaires et ce ne sont pas des percherons, vous pouvez me croire. Le couple n'est pas en reste et culmine à 11,5 m/kg à 11000 trs/min. Afin de réaliser ces évolutions, les ingénieurs italiens n'y sont pas allés avec le dos de la main morte. Comprenez qu'ils ont sacrement bossé ! D'abords sur la boîte à air comme je vous le précisais plus haut dont la forme des conduits d'admission a été retravaillée pour être plus directe puis sur les conduits d'admission variables et les injecteurs. Afin d'améliorer le rendement, les culasses ont été redessinées avec de nouvelles géométries des conduits d'admission et d'échappement. Les arbres à came désormais allégés avec un nouveau profil viennent culbuter des soupapes en titane. Mannetons de vilo, bielles, rapports de boite, système d'échappement ainsi que la nouvelle centrale électronique, le fameux APRC (Aprilia Performance Ride Control) qui comprends toujours l'ATC, le traction control réglable sur 8 niveaux (et en roulant SVP), l'AWC, le contrôle de wheeling réglable sur 3 positions et déconnectable (mais vaut mieux éviter), l'ALC, le système de contrôle de démarrage (pour déposer tout le monde au feu) et l'AQS, le shifter permettant de passer les rapports à la volée mais qui ne fait office de downshift (vous aurez encore besoin de l'embrayage pour les descendre, bande de feignasses).
Avec tout ça, vous avez presque la même meule que Leon, Jordi et Max puisque désormais certains éléments des machines de compétition doivent être issues de la série afin de s'aligner en championnat du Monde Superbike.
Mais au guidon, comment que ça marche, me direz vous ? J'y viens, j'y viens.
Une fois assis, tout tombe parfaitement sous les mains et la position de conduite est très naturelle. Le réservoir permet de bouger en latéral et de correctement se caler sur l'angle au freinage et de charger l'avant lors des grosses accélérations. La place est suffisante mais les plus grands auront quand même du mal à caser les coudes sans toucher les genoux. Une fois les commandes ajustées, je tourne la clef et mets sur Start.
Genlemen, start your engines !!!! Pôpôpôpô.... Le son du V4 rugit et résonne dans le box. Un pur bonheur auditif. Rauque, profond, intimidant. Quelques coups de gaz à l'arrêt confirment qu'il y a des trucs qui se bousculent dans le moulin.
Supercorsa SC2 neufs de chez neuf, on va faire 1 ou 2 tours tranquille histoire de chauffer et les gommards et le bonhomme. Vincent Bocquet, champion du Monde d'Endurance STK, nous remets les traj en tête puis s'écarte.
Gaaaazzzz..... Oh puuuutain.... C'que ça marche !!!! 2, 3, 4 puis freinage. On rentre la 3 pour entrer dans le gauche et on remet louche jusqu'à l'entrée d'Estoril. L'Aprilia file et suit la traj, instinctive et presque facile. Je ressers la trajectoire et accélère une fois le repère de fin de gazon passé. Je ne vais pas vous mentir, je n'ai pu mettre à fond qu'au bout de la deuxième session. L'accélération est massive, impressionnante, précise et juste incroyable. Calé derrière la bulle, je passe les rapports au couple. Le shifter est un modèle de précision et ne génère aucun a-coups. La 6 est passé depuis quelques secondes et ça continue de pousser. Truc de malade !!!! Repère après la passerelle pour ceux qui connaissent, je saisie le levier et ouch....le freinage est surpuissant. J'aurais pu m’arrêter avant Adélaide, c'est vous dire. Il m'a fallu quelques tours pour reculer mes repères et les adapter à la puissance des Brembo. Après 3 séries de 20min, je n'utilisais plus qu'un doigt pour ralentir le bestiau sachant que j’accélérais enfin à fond depuis Estoril. Ca vous situe le niveau. Je lâche les freins pour entrer dans Adélaide, l'italienne plonge immédiatement au point de corde avant même que j'ai terminé de déhancher. Une telle vivacité, je n'avais pas souvenir d'avoir connu. Sachant que je suis à l'arrêt, je me dis que je vais éviter de m'envoler de suite et tourne la poignée de gaz « gentiment ». Pffffiouuuu... La RSV4 se cale direct sur l'arrière et je sens le pneu frétiller. Gaz en grand, enfin j'essaie, elle se cabre au passage de la bosse et repose direct, merci l'AWC ! Je pousse la 3 et saisis les freins après la passerelle pour entrer dans la première chicane du Nurburgring. Instantanément, le point de corde à droite est avalé genou au sol et la bécane se balance de la pointe des repose-pieds sur l'angle opposé. C'est typiquement ce genre de manœuvre qui vous donne confiance sur circuit. La moto est vive, précise mais se pose comme une alliée pour faire corps avec vous et votre niveau. On n'est pas tous des champions du monde non plus, loin s'en faut ! Je m'extrais de la chicane et pousse à nouveau la 3 pour entrer dans le 180. Virage très technique. Il faut se forcer à aller le plus loin possible dans le virage pour casser sa trajectoire et relever rapidement sa machine en sortie. Rester longtemps sur les freins sur l'angle, puis tout lâcher afin de minimiser au max son temps sur l'angle maxi. L'Aprilia me fait bien comprendre que j'ai de la marge et qu'il va falloir que je sois plus incisif si je veux commencer à exploiter le quart de la moitié de son potentiel. « Je ferais mieux au tour suivant, je te promets ». On sort en 2 puis grosse accélération avec changement d'angle gauche-droite. Calé à fond (enfin j'essaie encore), on passe le droite sans trop s'écarter puis la 3 et la cassure à gauche. L’arrière frétille à nouveau mais la machine reste étonnamment agile. Sans trop s'accrocher au guidon, le réservoir parfaitement calé avec les genoux, on file vers Imola. J'adore cet endroit à Magny-Cours. Léger freinage en descente puis droite-gauche rapide suivi par une accélération puissante et gros freinage pour le Château d'eau. Je me sens en confiance et décide de lâcher vite les freins pour avoir un max de vitesse. Pif-paf avalé comme qui rigole, je reprends les gaz légèrement sur l'angle. Je sens l'arrière se caler et de suite, je prends les freins. Whaou... L'arrière décroche sous l'effet de la bascule et raccroche de suite mais le cul se balade. Je prends le frein arrière, stabilise, lâche les freins pour entrer dans ce droite serré et large en sortie pour tenter à nouveau d’accélérer à fond entamant ainsi la descente vers le Lycée. Je vous promets que j'ai fait de mon mieux. Et quand certains sont capables de passer cette descente avec cassure à gauche à fond de chez taquet, mon cerveau me dit que c’est juste impossible si je veux pouvoir revoir mon fils à la fin de la journée. Blotti à nouveau derrière la bulle, je passe la quatre. Etonnant comme j'ai de la marge... Et je suis pas loin des 200... Gros freinage pour le Lycée et à nouveau l'arrière se balade. On lâche tout pour entrer dans ce droite avec un peu de vitesse, on pousse la deux, re-freinage pour la chicane rapide avant la ligne droite, gazàdonf et c'est reparti pour un tour.
Lors de cette première session, la RSV4 a fait preuve d'un comportement docile mais avec pas mal de mouvements au fur à mesure que mes accélérations se faisaient plus vives et mes freinages plus appuyés. Alors jamais rien de méchant ni même de vicieux je vous rassure ! Ceci étant, sentir la moto se tortiller en pleine ligne droite n'a rien de rassurant en soi. En discutant avec quelques « collègues » dont certains bien plus rapides que moi, ils confirmaient que l'Aprilia était une machine avec du mouvement. Saine mais pleines de petites réactions parasites dès lors qu'on la conduit plus qu'on ne la pilote. Après discussion avec le technicien français de la marque, il s'avère que cette moto est plutôt sensible aux réglages et surtout au style de pilotage. Et de fait, lors de ma 3eme session, nettement plus en confiance et fort d'une température extérieure en hausse, la machine était nettement plus saine. En s'appliquant à la rouler sans la forcer, en adoptant un rythme soutenu mais sans la violenter, la RSV4 devient une arme, un véritable outil qui fera dire à Vincent Bocquet qu'en version stock, « y a pas grand chose à jeter pour viser le podium !!! » Ca vous situe le niveau.
En enlevant mon casque pour la dernière fois de la journée, je me faisais la réflexion qu'Aprilia avait sacrément bien bossé. Une meule au dessin toujours aussi beau et respirant le racing, 201ch presque « faciles » à utiliser, une technologie de pointe au service de son pilote et une marque qui entend appuyer et valoriser son réseau par son SAV. Le tableau quasi-idéal. Affichée à 20 999€ pour la version RF, l'Aprilia RSV4 se décline également en RR facturée 17 200 € et peut bénéficier d'un kit race (jantes forgées et suspensions Öhlins) affiché à 19 499 €. #Yapluka comme on dit désormais sur les réseaux sociaux.
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Texte : Norbert
Photos : Aprilia
Date de l'essai : juin 2015